Lors de la conférence que j’ai faite au Jardin d’idées le 15 mai 2002, j’ai présenté mon histoire, de la découverte de l’autisme à celle de la Communication facilitée et de la psychophanie. Extraits de la conférence (58:28) | La discipline de l’orthophonie était toute nouvelle lorsque j’ai commencé mes études. En 1969, le Pr Blanche Ducarne m’a proposé de travailler avec elle dans son service de neuropsychologie à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris. Mais j’ai décliné son invitation car je souhaitais m’occuper de jeunes enfants sourds. Le hasard en a voulu autrement, et quelques années plus tard, je me suis lancée avec passion dans la découverte de l’autisme. Même si ce fut difficile, Je ne l’ai jamais regretté. J’ai donc débuté dans un centre spécialisé pour les sourds et en CMPP. A la naissance de mes enfants, je me suis installée en clientèle libérale. On m’a d’abord adressé des enfants tout venant, puis des patients présentant des troubles de plus en plus sévères de la parole et du langage. |
Mes tout débuts dans l’autisme
En 1985, j’ai reçu une petite fille autiste de trois ans totalement mutique pour essayer de la faire parler.
Le terme même d’autisme était encore très peu connu et les autistes n’étaient généralement pas pris à titre libéral en rééducation individuelle par les orthophonistes. Leur place était plutôt en hôpital de jour à orientation psychanalytique. Je n’avais la représentation de cette « psychose infantile » qu’à travers les écrits de Bruno Bettelheim. Les autistes étaient figés dans leur mutisme, enfermés dans leur « forteresse vide ». Il fallait les éloigner de leur environnement nocif, notamment de leurs mères « frigidaire ».
Très décontenancée par le comportement fuyant, répétitif et souvent agressif de cette jeune enfant, ainsi que par son incapacité à imiter quoi que ce soit, je n’arrivais pas à grand chose avec elle. J’essayais de la faire jouer et lui montrais des images qu’elle ne regardait pas, pensant qu’elle allait se « débloquer » et se mettre à parler. Je ne faisais en fait que décharger sa mère qui n’en pouvait plus en lui donnant une demi-heure de répit plusieurs fois par semaine.
Devant le peu de progrès significatifs, et après avoir vainement cherché en France des approches éducatives et des moyens adaptés de communication, j’ai voyagé, notamment en Angleterre et en Flandres pour mieux connaître l’autisme et avoir des pistes de prise en charge. J’ai participé à des congrès internationaux sur l’autisme.
Une approche éducative de l’autisme
Je me suis tout d’abord inspirée du programme TEACCH de Schopler pour évaluer les compétences de chaque enfant et établir un projet éducatif individualisé dans toutes les fonctions mentales.
J’ai confectionné les tests qui n’existaient pas encore sur le marché, imaginé et fabriqué tout un matériel d’apprentissage.
La structuration de l’environnement
Communication et structure de l’environnement (3:30) | Les autistes étant souvent désorganisés dans l’exécution des tâches, je préparais méticuleusement le matériel en le disposant de façon à rendre prévisible le déroulement de chaque séance. Chaque enfant savait ainsi ce que j’attendais de lui. Il repérait le début et la fin de chaque exercice, prévoyait l’enchaînement des tâches et la durée de chaque séance. Des zones de mon bureau étaient attribuées à des activités spécifiques. |
Développement de l’autonomie (5:52) | L’environnement structuré lui permettait d’anticiper et d’acquérir une certaine autonomie dans l’exécution des tâches. Je lui présentais des repères visuels dans l’espace et le temps avec des pions ou des jetons. Je réalisais des emplois du temps en fonction de son âge et de son niveau d’aptitudes intellectuelles que je croyais lié à la compréhension des consignes et la réussite de petite tâches manuelles. La répétition des exercices lui donnait un sentiment de sécurité. Son cerveau étant occupé, cela inhibait toutes les manifestations parasites telles que les stéréotypies et autres troubles du comportement. Il était apaisé et devenait plus réceptif aux consignes gestuelles et verbales ainsi qu’aux nouveaux apprentissages. Les exercices, souvent repris par les parents qui assistaient à la séance de leur enfant donnait de bons résultats. Je travaillais en lien avec une des toutes premières classes intégrées pour autistes, ce qui permettait aux enfants de généraliser leurs compétences. |
Le développement d’une communication élémentaire
L’impossibilité de parler provoque l’agressivité (0:39) | Parallèlement, j’essayais de développer le langage et la communication avec eux. Avec ceux qui ne parlaient pas du tout et n’imitaient aucun son, j’ai vite compris qu’il ne fallait pas insister. Ils étaient en situation d’échec et devenaient agressifs. |
Utilisation d’images pour communiquer (0:38) | J’ai donc mis en place une communication alternative à l’aide d’images, de pictogrammes, de gestes simples, partant des goûts et intérêts de chacun pour développer les échanges et les interactions. |
Le rôle de la musique dans l’éducation d’un autiste
Extraits de la vidéocassette: La musique dans l’éducation des autistes (10:26) | J’utilisais la musique comme soutien à de nombreux apprentissages. Le rôle de la musique dans la mémoire perceptivo-motrice chez l’enfant autistique |
Les moyens élémentaires que je mettais à la disposition de mes patients leur permettaient de comprendre et d’exprimer des choses très concrètes, ce qui était déjà beaucoup.
Les troubles de la compréhension du langage
Un adolescent autiste a beaucoup de mal à comprendre les mots par le canal auditif et à exécuter un ordre simple (1:18) | Mon travail portait ses fruits, mais l’incapacité de certains autistes à comprendre le langage oral par le canal auditif, accentuée sans doute par les troubles des fonctions de l’exécution était telle que je n’imaginais pas pouvoir aller au-delà… |
Le début de la formation à l’autisme
J’ai créé EPICEA en 1987 pour sensibiliser éducateurs, orthophonistes et parents à l’autisme. Je leur transmettais ce que j’avais découvert sur la façon d’inciter l’enfant à communiquer et présentais les moyens de développer une communication orale ou alternative élémentaire pour la vie quotidienne.
J’effectuais pratiquement seule tout le secrétariat et l’organisation matérielle des très nombreux séminaires que j’animais. Je limitais le nombre des participants à 30 et ils étaient toujours complets … Je filmais les enfants avec une commande à distance au cours des séances et faisais des montages avec un matériel rudimentaire pour les projeter lors de mes formations.
Je faisais intervenir dans mes séminaires de nombreux professionnels éminents de l’éducation.
Des journalistes sont venus faire des reportages dans mon bureau et ont commencé à me demander d’intervenir à la radio et la télévision.
28 février 1987, FRANCE-CULTURE : Voix du silence (05:01)